Au stade Louis-Lumière dans le XXe arrondissement de Paris, il pleuvait mais le soleil sur les visages pouvait presque créer un arc-en-ciel. Sur le terrain mardi soir, le milieu messin Kévin N’Doram donne ses instructions aux joueurs du PanamBoyz & Girlz United (102 adhérents dont 32 femmes). « On va faire trois ateliers en commençant par un petit jeu de possession : chaque équipe qui fait dix passes obtient un point », détaille-t-il après avoir participé à une séance physique plus dure qu’il ne l’attendait sur une piste d’athlétisme bondée en cette froide soirée.
Au milieu du synthétique, il compte les touches de balle, insiste sur le rythme. « Cela fait plaisir, on a vraiment l’impression qu’il fait partie du club, sourit Boris, un des joueurs. On sent qu’il est content d’être là. » Sur un autre exercice autour des transitions, il enfile une chasuble orange pour faire partie de l’équipe amenée à défendre. Ses équipiers le charrient : « Fais des pompes ! »
Partenaire de la LFP depuis sa création en 2013, le PanamBoyz & Girlz United est un club 100 % inclusif qui lutte contre toutes les discriminations. « Nous sommes notamment à l’origine du brassard et du maillot arc-en-ciel », rappelle Bertrand Lambert, son président. Vendredi 18 août, il avait été « heurté, blessé » par les propos du joueur « que certains considèrent comme futiles mais dont l’impact est immense » à la pause de Metz-OM. « On manque de caractère, excusez-moi du terme, mais on joue comme des tapettes », avait-il déclaré au micro de Prime Video, alors que les Grenats étaient menés 0-1 (2-2, score final).
Cela lui avait valu un match de suspension avec sursis malgré ses excuses publiques et immédiates dès le coup de sifflet final : « Sur le coup de l’énervement, je ne voulais enfoncer personne. Je n’ai voulu offenser personne, ce n’était pas du tout mon but. » En plus de sa sanction, la commission de discipline de la LFP lui avait proposé d’effectuer une action de sensibilisation à la lutte contre l’homophobie dans le football.
« Vous pouvez compter sur moi pour porter le maillot arc-en-ciel »
« J’ai écrit à la LFP en proposant une sanction intelligente, raconte Bertrand Lambert. Comme le FC Metz avait déjà bénéficié d’un atelier contre les discriminations en juin, on ne voulait pas faire la même chose. » L’idée d’un entraînement en commun, « une première en France », a germé et a rencontré beaucoup d’entrain côté messin.
Très impliqué, N’Doram a passé du temps à concocter des ateliers en collaboration avec l’un des entraîneurs, prenant même en charge la partie physique alors que cela n’avait pas été proposé au départ. « Je lui ai donné le contexte, sachant qu’on joue en Première Division de Foot Loisir Amateur, un Championnat avec de l’intensité, détaille le coach Florian Humbert. Il a proposé des exercices qui répondaient à cela, avec des ajustements très pertinents. Je vais même pouvoir les réutiliser. »
Le joueur dit avoir changé après ses propos déplacés
En présence de la présidente de la Fédération sportive LGBT +, un temps d’échange s’est tenu avant la séance. « Il est important d’avoir des personnes comme toi dans le foot, a rappelé Yves Gimbert, militant de SOS Homophobie, dans le minuscule vestiaire de ce stade de l’est parisien. Nous avons besoin d’alliés dans cette lutte quotidienne. »
Arrivé en avance au rendez-vous, debout en tenue du FC Metz, Kévin N’Doram a écouté. Répondu aussi : « Je suis content d’être ici pour réparer mon erreur. Ce type d’action peut aider. C’est une fierté de montrer que je veux changer les choses. » Il dit avoir changé à la suite de ces propos « déplacés, inappropriés ». « Je considérerais un gay comme un équipier lambda. Si j’entendais quelqu’un dire des insultes homophobes, je lui ferais remarquer, assure-t-il. D’ailleurs, vous pouvez compter sur moi pour porter le maillot arc-en-ciel. » Une initiative qui sera d’ailleurs discutée jeudi, lors d’une réunion à la Ligue. En mai dernier, trois Toulousains avaient notamment refusé de le revêtir.