Interruptions de matchs, fermetures de tribune, banderoles provocatrices… La question de l’homophobie dans les stades est sur le devant de la scène depuis la reprise de la Ligue 1, dans un contexte de conflit entre ultras et autorités. Dernier épisode en date, l’interruption du match Nice-Marseille par l’arbitre mercredi soir, a provoqué de nombreuses réactions. Une réunion est prévue jeudi prochain à la Ligue avec des associations de lutte contre l’homophobie et des associations de supporteurs pour tenter de faire avancer les choses.
Bertrand Lambert, président de PanamBoyz & Girlz United, qui lutte contre l’homophobie dans le foot, sera présent à cette réunion et voit dans la séquence actuelle une opportunité pour apaiser le climat dans les stades.
Vous avez déclaré vouloir mettre en place une automaticité des sanctions pour chants homophobes. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement quand on sait que la LFP ne peut pas sanctionner individuellement ?
Quand on parle d’automaticité des sanctions, on veut juste une clarification des sanctions. On veut que les sanctions soient les mêmes pour les mêmes actes. Le terme «pédé» est homophobe et répréhensible pénalement. Sur celui d’«enculé» [qui n’a fait l’objet que d’un rappel à l’ordre par la commission de discipline de la LFP, ndlr], les associations ne sont pas d’accord mais on est d’accord que ça n’a rien à faire dans un stade. En tout cas, la LFP a pris une décision historique en fermant une tribune de foot pour chant homophobe (1).
Est-ce que vous êtes déjà en contact avec les représentants des supporteurs pour construire un dialogue avant les réunions prévues par la LFP début septembre ?
Non, pas encore. A la base, nous sommes une association bénévole concentrée sur le tabou de l’homosexualité au sein des clubs de foot. Sur ce sujet, ça fait plusieurs années qu’on a fait des rencontres de prévention dans les centres de formation de clubs de Ligue 1 et les brassards arc-en-ciel. Depuis six mois, on a réussi à convaincre la LFP de s’intéresser au sujet de l’homophobie dans les stades.
Est-ce que vous comprenez que ce débat concernant l’homophobie dans les stades soit vécu comme la goutte de trop par les supporteurs ?
Oui, c’est la goutte d’eau mais ce n’est pas notre faute. On est conscient que les groupes de supporteurs sont fatigués d’être accablés par la LFP, les autorités préfectorales et gouvernementales avec lesquelles ils ont des relations très compliquées. Mais je suis convaincu qu’on peut tous sortir gagnants de l’éradication de l’homophobie, du sexisme et du racisme des stades. Pour notre association, l’actualité est une opportunité mais je suis certain qu’elle l’est aussi pour les supporteurs et la Ligue. Les supporteurs ne sont pas nos ennemis, on ne veut pas les caricaturer et on aimerait maintenant discuter sereinement sans caméras et politiques. On ne souhaitait pas des interruptions de matchs mais ça a eu le mérite de mettre le sujet au goût du jour, après avoir trop longtemps été sous le tapis.
Pensez-vous que le terrain juridique est une opportunité pour commencer à régler le problème de l’homophobie dans les stades ?
La justice doit faire son travail. Il faut juste rappeler que ce qui est répréhensible en dehors des stades l’est aussi à l’intérieur. L’homophobie est pénalement répréhensible, il ne faut pas l’oublier. Certains slogans participent juste à la banalisation de l’homophobie ordinaire. Les lignes bougent et je considère que c’est un formidable alignement des planètes.
(1) La commission de discipline de la LFP a décidé de fermer la tribune Piantoni de Nancy pour un match ferme après des chants homophobes intervenus lors de Nancy-Le Mans le 16 août.